Utilisés à des fins de mobilisations et d’actions citoyennes depuis plusieurs années, les réseaux sociaux pourraient également devenir un espace majeur pour redonner un nouvel élan à la démocratie participative et ainsi renouer le dialogue entre citoyens et politiques.
Un rôle déjà central dans les
mobilisations citoyennes
Déjà utilisés depuis des années par les activistes, les réseaux sociaux permettent de contribuer à deux grandes formes de mobilisations.
En premier lieu, ils
permettent l’organisation de mobilisations. Les citoyens utilisent
régulièrement des outils de messageries (mail, discussions instantanées) pour informer
de la tenue d’événements ou manifestations. On se souvient du rôle important de
Facebook lors du printemps arabe mais également lors de la crise de la dette de
la zone euro, du mouvement Occupy Wall Street ou encore plus récemment celui du
mouvement des gilets jaunes. Utiliser ces plateformes est avant tout un moyen
de se tenir informé et de s’assurer du rassemblement massif des citoyens.
Cependant, on observe également
une montée en puissance du e-activisme, se limitant à la sphère numérique. Dans
ce cas-là, l’utilisation des réseaux sociaux permet d’interpeler les politiques
présents sur ces derniers mais également les médias : hashtags, photos,
vidéos, challenges à réaliser chez soi, les manières de se rendre visible sont
multiples. On se souvient encore du fameux #ASLIceBucketChallenge en 2014 ou
plus récemment du #DressLikeAWoman suivant la publication d'un rapport selon
lequel l’ancien président américain Donald Trump aurait demandé à son personnel
de "s'habiller
comme des femmes".
De nouveaux espaces pour
repenser les échanges entre citoyens et politiques
Les politiques ont la
possibilité de jouer un rôle majeur sur les réseaux sociaux : celui de recapter
une partie des citoyens démobilisés, exclus des sphères démocratiques et rejetant
le politique.
Le succès de certaines chaines Twitch, à l’instar d’Accropolis ou du buzz grandissant autour de Clubhouse montre bien tout l’intérêt que les adeptes du numérique ont pour les enjeux politiques. Toute plateforme, aussi bien audio (Clubhouse, Spaces, Discord) que visuelles (Twitch, YouTube) doit donc être considérée par les politiques comme un moyen de relancer la démocratie participative. Cette multiplicité des plateformes est d’ailleurs un atout puisqu’elles ont toutes leur propre public, permettant ainsi de toucher un plus large nombre d’internautes – et donc de potentiels électeurs. Bien entendu, leur présence ne sera un succès que s’ils prennent conscience que ces plateformes rejettent la politique dite politicienne.
On peut donc penser à deux
grandes actions concrètes que les politiques pourraient mettre en œuvre pour
renouer ce lien.
- Instaurer régulièrement des échanges entre élus et citoyens
L’importance d’un rendez-vous
fixe entre le politique et les citoyens est avant tout de créer un sentiment de
confiance. A l’heure où de plus en plus de politiques se positionnent sur ces
plateformes, il ne faut pas oublier que de nombreux users considèrent
ces venues comme des positionnements politiques et comme une sorte de campagne
politique. La relation de confiance doit donc être construite du côté du
politique, pour montrer l’intérêt qu’il porte à ces plateformes et aux regards
des citoyens sur la politique, à l’instar du rendez-vous matinal du journaliste
Samuel Etienne sur Twitch par exemple.
Aujourd’hui le constat est
clair : les citoyens ont du mal à comprendre les détails du processus
démocratique et le travail quotidien des politiques (fonctionnement des amendements,
projet de loi vs proposition de loi ; déroulé des procédures
législatives ; travail en dehors de l’Hémicycle etc.). Ce format de
questions-réponses pourrait ainsi permettre de donner aux citoyens les outils
pour mieux comprendre cet écosystème mais également d’interpeler les politiques
sur leurs positions et propos tenus. A condition que ces derniers jouent le jeu
de la transparence. On constate d’ailleurs que ce format est une réussite en
Iran où de nombreux ministres et politiques interviennent sur Clubhouse en
pleine campagne présidentielle.
Il en revient aussi aux
politiques d’utiliser leur visibilité et donc leur chaine – ou room
- pour donner la parole à des citoyens. Dans le cas des débats sur loi Climat,
la mise en place de discussions sur Twitch (Debat sans filtre), entre des
élus et des associations, activistes et citoyens spécialisés sur des sujets, a
permis de mettre en lumière un écosystème politisé et actif.
- Inclure les citoyens dans la mise à l’agenda des sujets et des débats
Renforcer la démocratie
participative signifie inclure davantage les citoyens dans le processus
décisionnel mais également dans la mise à l’agenda de certains sujets. Et les
plateformes numériques peuvent parfaitement répondre aux enjeux de cette
dernière.
D’une part, il serait
intéressant de mettre en place une plateforme en ligne pour recueillir – par
exemple chaque mois - les différents sujets qui mériteraient d’être portés à
l’agenda politique selon les internautes. Par la suite, les internautes
seraient invités à voter pour les 3 à 5 sujets qu’un groupe politique ou élus seraient
amenés à visibiliser et défendre via des propositions de loi ;
rapports ; travaux en groupe d’études ou commission ; questions au
gouvernement etc.
Pour s’assurer que les sujets
portés correspondent aux propositions des internautes, des discussions en room
ou stream sur Twitch permettraient aux citoyens porteurs de ces sujets
de sensibiliser les politiques présents sur ces plateformes ainsi que les viewers.
L’objectif étant double :
donner aux politiques les clés pour comprendre et se positionner sur de
nouveaux enjeux et donner la possibilité aux citoyens de faire valoir des
causes leur tenant à cœur. A condition bien entendu d'avoir une politique d'accès au numérique pour tous - on oublie trop souvent la précarité numérique matérielle - et d'éducation aux outils.
Charlène Dupé est
consultante en communication spécialisée sur les enjeux et plateformes
numériques, également au cœur de ses engagements personnels et militants.
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